Réflexions


 

Les bienfaits du mûla bandha
(Pas de photos cette fois!...)

 

Mûla bandha est l’une des grandes techniques du yoga tantrique. Serrer l’anus. Et le tour est joué. Le serrer tout le temps, avec stabilité. Enfin… le serrer tout le temps ou presque peut devenir inopportun à certains moments de la journée, il faut bien se lâcher quelquefois…

Mûla bandha est la contraction du sphincter externe de l’anus. Cette zone correspond à un âdhâra, mûlâdhâra, situé au centre du chakra qui porte le même nom, le mûlâdhâra chakra. C’est le siège d’apâna, l’énergie excrétrice, celle qui vide, qui dilue, qui tire vers le bas, qui entraîne l’individu dans l’animalité, l’énergie qui s’oppose à l’esprit.

C’est le lieu où l’énergie sexuelle trouve ses appuis. Sable mouvant dans la sexualité ordinaire dans lequel elle se dilue, se perd, assurant juste une satisfaction passagère, un soulagement animal qui laisse sur un sentiment d’inachevé et qui entretient en soi un besoin de consommation impossible à assouvir. Ce besoin œuvre aux différents niveaux de l’individu, corporel, affectif, mental et nous entraîne dans les fonctionnements collectifs de l’espèce, là où il n’y a aucune place pour l’individualité, la liberté, où se consomment toutes les vies qui suivent la programmation générale.

Mais ce lieu est aussi la terre solide qui permet à cette énergie de remonter en soi et qui, à l’inverse de ce qu’on vient de dire, satisfait l’individu, le nourrit pleinement d’une énergie autonome et purifiée, celle qui donne la verticalité, la poussée qui libère des liens auxquels la nature nous attache dès notre naissance.

Apâna est le souffle expiré, la tendance qui nous maintient dans la dualité, le doute, l’hésitation. C’est la porte par laquelle on se vide de sa force, celle où les fortes émotions nous privent de notre stabilité et de notre autonomie. C’est également le lieu qui gère les énergies ordinaires et qui les transcende, les concentrant dans l’axe vertical qu’est la colonne vertébrale. C’est un terminal nerveux important où se joue bon nombre de nos fonctionnements physiologiques.

Mûlabandha est donc un geste qui permet d’inverser le courant de l’énergie apâna, de créer une alchimie dans notre énergie animale, de la diriger vers la conscience. En inversant ce courant on élimine la fuite la plus importante de sa structure énergétique. La conséquence est un bénéfice de puissance important rendant tout plus facile dans notre vie et, dans le temps, le désamorçage des pulsions négatives que nous avons évoqué plus haut.

S’entraîner à mûla bandha

La technique n’est pas difficile à expliquer, il suffit de serrer d’une manière stable le sphincter externe de l’anus. Il ne faut pas le serrer trop fort mais d’une façon continue, sans relâchement ou variation d’intensité. Quand on commence, on pense rapidement que cela est impossible. On passe son temps à contracter l’anus et à s’apercevoir qu’on l’a relâché inconsciemment. Quand on arrive à maintenir mûla bandha une minute d’affilée, on s’estime content. Il n’y a d’autre méthode que de faire et refaire, avec obstination mais sans contraction. Il faut le faire chaque fois que c’est possible. Dans toutes les techniques du yoga bien sûr, puisque sa présence est indispensable, mais aussi dans la vie, en toutes situations, et même quand on s’endort ou se réveille, à chaque fois qu’on y pense.

Il peut être pratiqué en technique autonome, en assise. Immobile, on concentrera son attention sur la stabilité du geste, la respiration sera légère, on portera son regard sur la pointe du nez, les yeux ouverts ou fermés. Au bout de quelques minutes, on devrait sentir « quelque chose » dans l’axe, dans la zone de la colonne vertébrale, comme un frisson, une vibration, un étirement. C’est bon signe, cela signifie que la technique commence à agir sur l’énergie.

On peut également utiliser les postures qui font écarter les jambes, comme kûrmâsana, mahâkonâsana, pashâsana. Certains souffles qui activent le ventre sont propices, comme bhastrikâ.

Au fur et à mesure de l’entraînement, tout devient plus facile, plus automatique. Un jour on constate que cette contraction de l’anus s’est installée naturellement, qu’il n’y a plus d’effort à faire, tout se fait tout seul. C’est gagné, et tant au niveau de la santé, de la jeunesse, de la puissance, de l’énergie que de la stabilité personnelle, on récolte pleinement les fruits de plusieurs années d’attention. On aura bien sûr eu quelques cueillettes avant.

 

Christian Tikhomiroff